Loi du 12 février 2005 : bilan mitigé d’une loi ambitieuse, selon un rapport du Sénat

Absence de données fiables en matière d’accessibilité, manque de volonté et de pilotage politique et technique, disparités d’application des dispositifs de compensation, périmètre incomplet de la PCH, ruptures dans les parcours de scolarisation, taux d’emploi bien en-deçà de l’objectif des 6% dans le public comme dans le privé : la loi de 2005, sept ans après sa promulgation, souffre de « retards et d’inerties » dans son application. C’est le constat général dressé par Isabelle Debré, sénatrice UMP des Hauts-de-Seine (92) et Claire-Lise Campion, sénatrice socialiste de l’Essonne (91), dans leur rapport examiné mercredi 4 juillet par la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, et rendu public aujourd’hui.

 « Avons-nous les moyens de nos ambitions ? Pas seulement financiers mais humains et sociétaux », a d’emblée demandé Isabelle Debré tandis que Claire-Lise Campion soulignait « le bilan mitigé de cette loi ambitieuse », lors d’une conférence de presse. Car si, selon elles, 99% des textes réglementaires liés à la loi de 2005 ont bien été publiés, sur le terrain les situations sont si hétérogènes qu’elles entraînent une inégalité de traitement des personnes en situation de handicap. Organisé en quatre grands chapitres, le rapport évalue la compensation du handicap, la scolarisation des enfants handicapés, la formation/emploi, et l’accessibilité de la cité. Les deux sénatrices avancent également 35 propositions.


Sur la compensation : « Les MDPH ont connu une inflation de leur activité, avec un effet préjudiciable sur le service rendu », ont souligné les deux sénatrices, qui insistent sur le manque de moyens pérennes pour leur permettre d’assurer pleinement leurs missions. Elles proposent de simplifier les démarches administratives pour les demandes de renouvellement, mais aussi d’engager une réflexion « sur les modalités d’un meilleur ajustement de la prestation de compensation du handicap [PCH] aux besoins de compensation ». « La PCH est encore incomplète au regard des objectifs initiaux », estiment les deux rapporteuses, qui précisent que cette prestation ne couvre pas l’aide aux parents handicapés ni les aides domestiques. Quant à la suppression de la barrière d’âge prévue par la loi de 2005 – les personnes handicapées doivent demander la PCH avant 60 ans, elle n’a pas été réalisée, « faute de financement ». Isabelle Debré et Claire-Lise Campion proposent simplement de supprimer la limite d’âge pour les personnes qui étaient éligibles avant l’âge de 60 ans, mais n’ont pas fait valoir leurs droits, et qui est actuellement fixée à 75 ans. Enfin, elles dénoncent la réforme de l’AAH, intervenue en 2011 – le changement des conditions d’appréciation de la notion de « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi qui « fonctionne comme un filtre visant à exclure du bénéfice de l’AAH des personnes pourtant handicapées ».


Sur la scolarisation : Le rapport met en avant la progression du nombre d’enfants handicapés scolarisés, passé de 155 400 en 2006 à 210 400 en 2011, mais souligne que, malgré cette « avancée quantitative indéniable », 20 000 enfants seraient encore « sans solution de scolarisation ». Les deux rapporteuses proposent de « renforcer la problématique du handicap dans la formation initiale et continue des enseignants » pour pallier leur « insuffisante formation ». Elles estiment également urgent de réactiver le groupe de travail sur les auxiliaires de vie scolaire (AVS) individuels, « afin de définir un véritable cadre d’emploi » pour ces salariés très précaires.


Sur l’emploi : Le taux d’emploi a progressé, dans le secteur privé (de 2,3% en 2006 à 2,7% en 2009) et la fonction publique (de 3,7 à 4,2%), mais demeure en deçà de l’objectif des 6%. Les deux sénatrices regrettent notamment que « les travailleurs handicapés accèdent quatre fois moins à la formation que les travailleurs valides » et le « désengagement financier de l’Etat » qui a transféré des compétences et donc des charges à l’Agefiph. Elles insistent sur la nécessité de rendre accessible l’ensemble de la chaîne de formation, y compris le contenu des formations. Et jugent essentiel de prévenir les licenciements pour inaptitude, pour en faire baisser le nombre estimé à 120 000.


Sur l’accessibilité : « En dépit d’avancées », « l’échéance de 2015 ne pourra pas être respectée » ont déclaré les deux élues sans pour autant prôner son report qui serait « un très mauvais signal adressé à nos concitoyens, non seulement aux personnes handicapées mais également aux personnes valides ». Elles proposent notamment qu’une agence nationale à l’accessibilité universelle assure le pilotage de la politique d’accessibilité. Une de ses premières missions serait de dresser un bilan exhaustif, grâce à l’instauration d’un système de remontées d’informations obligatoires.


Article de Valérie Di Chiappari et Franck Seuret de Faire Face

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