L'accès à tout, pour tous. C'est ce que prévoit la loi du 11 février 2005 pour tous les établissements recevant du public (les ERP). Et un délai de dix ans pour rendre accessible les administrations, les écoles, les transports, la voirie, les habitations, les commerces, etc. 2015 est là, et qu'en est-il de l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap ?
Un recul d'abord, avec une nouvelle ordonnance en 2014 qui propose non plus l'obligation de conformité dès le 1er janvier 2015, mais l'élaboration d'un agenda d'accessibilité programmé (Ad'AP). Le dossier doit être déposé par le propriétaire ou l'exploitant des locaux en mairie, avant le 27 septembre. Il fixe l'engagement pris de réaliser les accès et la sécurité, et précise les modalités et le calendrier de mise en conformité des locaux, d'ici trois ans.
Selon les ERP, des aides peuvent être sollicitées, dans le cadre de diagnostic ou pour le financement des travaux.
Pour Philippe Landrein, président de l'association des commerçants Figeac Cœur de vie, il faut s'en occuper dès à présent. «Nous en parlions, mais c'est vrai que nous ne nous y étions pas vraiment penchés. Suite à une réunion proposée par la Fédération départementale des artisans et commerçants et la CCI du Lot, nous avons pris conscience qu'il fallait faire les dossiers d'Ad'AP.» Une réunion d'information est proposée par Figeac Cœur de vie, ce soir, à 19 h 30, salle Roger-Laval, à Figeac.
Une obligation pour tous les ERP qui pose la question du coût des travaux, des dérogations éventuelles, etc.
Et en face un espoir, celui de personnes en situation de handicap, de voir leur quotidien facilité. «Il y aurait plus de 60 % des ERP à mettre aux normes d'accessibilité, annonce Jacquie Destic, présidente lotoise de l'Apajh (Association pour adultes et jeunes handicapés). Nous ne sommes pas arqueboutistes, il faut voir au cas par cas, ce qui peut être amélioré», dit-elle. «Mais c'est avant tout l'état d'esprit de la société qui doit évoluer.»
Jacquie Destic, Cahors, présidente de l'Apajh 46
«Passer d'une approche de compassion à une évolution sociétale, en permettant à toute personne en situation de handicap ou de vieillissement de vivre pleinement ses droits de citoyens, c'est ce qu'on espère de cette loi qui aborde aussi l'accompagnement solidaire des personnes en difficulté de motricité, de vision, d'audition… Une main tendue, un geste simple. C'est un nouvel état d'esprit, qui permettra à chacun d'être comme tout le monde, de ne pas rester à l'écart. Je ne parlerai pas de recul de la loi, suite à l'ordonnance de 2014 : c'est le pragmatisme qui a joué. Nous avons tous conscience que les objectifs sont durs à atteindre, et cet Ad'AP est raisonnable. Sur justifications, des demandes de dérogation pour des contraintes particulières pourront permettre des délais supplémentaires de mise en conformité. La volonté n'est pas de mettre le commerce en difficulté. Au contraire, n'oublions pas qu'ils sont pour beaucoup de personnes des lieux de lien social et d'échange. Mais, c'est une loi indispensable pour l'Apajh, nous l'appelions de nos vœux pour la dignité de la personne. Administration, école, voirie, tous devront s'y conformer. C'est insupportable de voir encore aujourd'hui un témoin de mariage porté dans les escaliers pour rejoindre la salle de la mairie. Ou de ne pas pouvoir accéder à une salle de cinéma. Nous serons vigilants et veillerons à ce que les dispositions de la loi s'appliquent, mais nous sommes aussi prêts à apporter nos conseils, aux commerçants par exemple.»
Philippe Landrein, Figeac, président de Figeac Cœur de vie
«Avant tout, il faut que chacun connaisse son classement en ERP ou fasse les démarches pour. Ensuite, il faut déposer avant le 27 septembre un agenda d'accessibilité programmé. Nous sommes dans la contrainte légale de nous y tenir, sinon il y aura des amendes. Bien sûr que cette loi a du sens, et rien ne sert de polémiquer. Cependant les contraintes peuvent être lourdes de conséquence pour le petit commerce. Ainsi, la largeur entre les rayons va diminuer la surface de vente, il y a le problème des marches, des toilettes accessibles aux fauteuils roulant dans les restaurants… Il y a aussi la question du financement des travaux : bailleur ou locataire ?
Sur le principe, je suis d'accord, mais il faut que cette adaptation des commerces soit gérée intelligemment, et ne pas mettre en péril l'activité commerçante dans les centres-villes. Nous savons que faute de pouvoir faire les travaux, certains vont changer de locaux ou partir. Cela nous inquiète, ce sera l'effet pervers de la loi. Autre exemple, les toilettes accessibles au plus grand nombre, un service rendu, seront fermées à tous, faute de pouvoir être accessibles aux handicapés. Nous ne sommes pas compétents en matière d'accessibilité, nous espérons que l'administration saura nous accompagner dans ces démarches et que des dérogations seront accordées, notamment en secteur sauvegardé et en fonction du coût des travaux, compte tenu de la situation financière du commerce. Dans cette loi, il y a aussi des choses simples et de bon sens à mettre en œuvre.»
Article de Laetitia Bertoni de La Déphêche du Midi